Le lymphome cérébral primitif : une nouvelle classification de la maladie visant l’amélioration de la vie de patients
HERNANDEZ Isaïas, doctorant; Dr. ALENTORN Agusti, Dr Karima Mokhtari dans l’équipe du Pr Khê Hoang-Xuan et Pr Marc Sanson au laboratoire de génétique et du développement des tumeurs cérébrales à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière (ICM)
Le lymphome cérébral primitif (LCP) est une maladie particulièrement curieuse car elle provient des tissus lymphatiques tels que les ganglions, la rate et le thymus, mais elle se développe dans le cerveau. En plus, parce qu’on ne connaît presque rien de cette maladie, les options et l’efficacité de diagnostics et de traitements sont tellement limités que les conséquences sont malheureuses pour les patients et leurs familles. Heureusement, les technologies récentes nous permettent d’extraire, de lire, de décoder et d’interpréter l’information contenue dans le matériel génétique. Grâce à un effort national organisé par le programme « Cartes d’Identité des Tumeurs » (CIT), nous avons réussi à avoir la plus grande cohorte de patients (avec des données génétiques) au monde qui nous a amené à trouver une nouvelle classification moléculaire des tumeurs LCP et à mieux comprendre la maladie.
Qu’est-ce que c’est un LCP et le programme «Cartes d’Identité des Tumeurs» ?
Les LCPs proviennent des lymphocytes B mais ont leur origine dans le tissu nerveux comme le cerveau et ils migrent rarement vers d’autres tissus. L’IRM peut faire évoquer le diagnostic mais il nécessite souvent d’être confirmé par une biopsie tissulaire ou par la cytologie du liquide céphalo-rachidien (LCR). Par ailleurs, les traitements actuels comprennent des corticostéroïdes, de la chimiothérapie et de la radiothérapie mais malheureusement, suite à une mauvaise réponse de la majorité de patients aux traitements, la survie médiane est de seulement 26 mois.
CIT est un programme de recherche (organisé par la Ligue Contre le cancer) dédié à la génomique des cancers qui a produit une base de données sans équivalent en France et en Europe. La génomique est la discipline scientifique qui s’intéresse à la structure et au fonctionnement de notre patrimoine génétique. Les LCPs et les autres cancers résultent d’une série particulière d’altérations de notre patrimoine génétique, unique à chacun, ainsi un traitement pourra se révéler efficace chez un patient et sans effet chez un autre. En comprenant cette diversité, nous pouvons améliorer les tests diagnostiques, pronostiques et aussi la prédiction de la réponse des patients aux traitements.
Comment la nouvelle classification des LCPs a-t-elle été faite ?
La combinaison des données génomiques des tumeurs, obtenue avec une technologie de pointe et associée aux données cliniques des patients (survie, IRMs, etc.) nous a permis de mieux caractériser les tumeurs LCP et leurs signatures moléculaires. En pratique nous avons utilisé des milliards de variables et plusieurs outils statistiques pour trouver les tumeurs qui partagent les variables plus informatives et importantes aux niveaux biologique et clinique. Cette analyse nous a amené à trouver quatre sous-types moléculaires différents de LCPs liés aux implications cruciales.
Quels sont les implications de ces sous-types moléculaires de LCPs ?
En commençant par le diagnostic, nous avons développé un algorithme identifiant les sous-types moléculaires de LCPs à partir de données génomiques simples. Selon le pronostique, nous avons trouvé que chaque sous-type répond plus ou moins bien au traitement standard, la chimiothérapie. Par exemple le sous-type CS4 à une réponse 2,6 fois plus importante alors qu’à l’inverse arrive pour le sous-type CS3. De plus, le sous-type CS3 est associé à une localisation spécifique sur le cerveau qui pourrait expliquer cette réponse amoindrie au traitement classique. Après avoir combiné toutes nos informations, nous avons trouvé que chaque sous-type pourra mieux répondre aux traitements spécifiques, ce qui pourra nous permettre de personnaliser les options de chaque patient.
Quelle est l’étape suivante ?
Bien que nos recherches nous ont déjà permi de déterminer des sous-types moléculaires de LCPs et d’envisager des traitements personnalisés pour chacun, il reste de nombreux aspects à explorer. Nous envisageons dans un premier temps de réaliser des tests expérimentaux en utilisant des cellules cancéreuses et des modèles animaux pour corroborer sa faisabilité. En restant porteurs d’espoir nous continuerons à marcher sur la route dont la fin n’est pas très loin afin d’améliorer la vie des patients.
👉 Retrouvez la publication ici : https://www.annalsofoncology.org/article/S0923-7534(22)04732-9/fulltext