Sécurisation des revenus : témoignage d’un patient
Claude, patient atteint d’un cancer du cerveau, souffre aujourd’hui de handicaps invisibles ; il ne peut plus exercer son métier et subit une perte de ses revenus d’activité de plus de 80%. Malgré les difficultés, il a réussi à faire valoir ses droits sociaux. Il nous présente son parcours et plus précisément, la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH) et la pension d’invalidité qu’il a obtenues.
Monsieur Claude Forget, vous avez dû multiplier les démarches pour obtenir ce à quoi vous aviez droit. Cela n’a pas été simple, dites-vous…
En 2011, on m’a diagnostiqué une tumeur cérébrale de grade II qui a été opérée. Une 2e opération en 2014, suivie d’un an de radiothérapie et de chimiothérapie, a permis de traiter une récidive.
J’ai subi une perte de revenus importante. En fin de droits à l’indemnisation chômage, je n’avais plus que l’Allocation Adultes Handicapés (AAH) de la caisse d’allocations familiales (CAF), soit 900 € par mois environ. J’ai donc engagé les démarches pour faire reconnaître :
1 – mon état d’invalidité par la CPAM;
2 – mon statut de travailleur handicapé par la Maison Départementale des Personnes Handicapées (MDPH);
3 – l’activation de la garantie « Incapacité Temporaire Totale (ITT) » de mon assurance emprunteur obligatoire, pour mon emprunt immobilier.
Un vrai parcours du combattant qui a duré près de quinze mois !
À quels organismes vous êtes-vous adressé ?
La CPAM, la MDPH, la CAF, la compagnie d’assurance…
À noter que le médecin traitant joue un rôle central. Les certificats médicaux qu’il va rédiger seront des éléments déterminants pour que vos demandes puissent aboutir. Il ne faut pas s’attendre à ce que ces organismes vous disent ce à quoi vous avez droit. La diminution des budgets ne les encourage pas à « faire de la pub ». J’ai donc dû aller à la pêche aux infos pour identifier mes droits et leurs enjeux :
1 – La pension d’invalidité 2e catégorie qui peut atteindre 1350 € net par mois mais qui bien souvent est inférieure car le montant est fonction de la moyenne des 10 dernières années d’activité et son calcul ne retient que la moitié de cette moyenne… Mes trimestres-retraite ont tous été validés avec effet rétroactif et je bénéficie d’une retraite à taux plein à 62 ans.
2 – La Reconnaissance de la Qualité de Travailleur Handicapé (RQTH) me donne droit à :
– une formation de reconversion diplômante en centre de reconversion professionnelle de 20 mois, cette formation rémunérée;
– une demi-part supplémentaire pour l’impôt sur le revenu ;
– une carte d’invalidité.
3 – L’assurance emprunteur que j’avais contractée au moment où j’avais contracté un emprunt immobilier prend en charge l’intégralité de mes échéances de crédit.
Qu’est-ce qui a été le plus difficile ?
Tout est compliqué mais rien n’est insurmontable.
Les questionnaires sont volumineux, les réponses rarement suffisantes, les demandes de renseignements complémentaires sont fréquentes, les processus d’instruction sont longs (six à huit mois pour chacune des demandes). Les informations sont disponibles et souvent de bonne qualité mais elles sont dispersées sur de très nombreuses sources. C’est la jungle ! Il n’y a pas de guichet unique pour les malades.
Y a-t-il eu des obstacles ?
Évidemment, mais jamais du fait des personnes. Il faut comprendre qu’elles ont des procédures à suivre et une hiérarchie en place pour appliquer les règles. Il est important de les respecter, ne serait-ce que dans un souci d’efficacité. Les pathologies des patients atteints de tumeur cérébrale sont suffisamment invalidantes pour que leurs droits soient la plupart du temps reconnus au final…
Qu’est-ce qui vous a permis d’aboutir ?
D’abord j’ai regardé ce à quoi j’avais droit et les moyens de l’obtenir, puis j’ai entrepris les démarches.
Mon message principal réside dans ce que j’appelle les règles d’or :
– ne pas culpabiliser en se disant qu’on est un assisté. Ce sont des droits dont on demande l’application, ni plus, ni moins ;
– être opiniâtre et patient, ne rien lâcher mais ne pas s’énerver et y passer le temps nécessaire ;
– être très organisé : c’est un travail à temps partiel et parfois à temps plein ;
– solliciter son entourage familial et amical, mais aussi médical pour les certificats par exemple ;
– se faire aider par une assistante sociale. Il en existe à l’hôpital, à la MDPH, dans les Caisses de retraite, à la CPAM, etc…
– avoir un contrat d’assistance juridique au cas où…
Il faut également savoir qu’en cas de refus d’attribution, un recours amiable voire contentieux est toujours possible, mais il est préférable de ne pas avoir à en arriver là car malheureusement le plus souvent la décision initiale est confirmée.
Avez-vous des suggestions pour faciliter ces démarches ?
Il est long de faire évoluer les droits. À court terme, le mieux est de bien se renseigner par rapport à sa situation personnelle, de bien préparer son dossier en étant accompagné et de lancer les démarches quand le dossier est bien étayé.
Je suis convaincu qu’on peut faciliter les démarches en mutualisant les retours d’expérience des patients. C’est l’objectif de ce témoignage.
En conclusion ?
Au-delà de la consolidation de la situation financière, le fait de voir aboutir ses démarches a un effet très positif sur le moral. Cela contribue à améliorer la confiance en soi car on se sent acteur de son destin dans une période d’extrême fragilisation. Ce succès participe de la préservation de la dignité du malade, et donc à la réduction des risques de dépression.
Claude Forget
Pour plus d’informations La Ligue contre le Cancer :