Les gliomes diffus représentent les tumeurs cérébrales les plus fréquentes chez l’adulte. Elles sont classées selon leur grade histologique et leur profil moléculaire : la présence d’une mutation de l’isocitrate déshydrogénase (IDH) caractérise les gliomes diffus avec une plus grande sensibilité aux chimiothérapies et un conséquent meilleur pronostic. Les gliomes diffus sans mutation de l’IDH, dont le type le plus fréquent et le plus agressif est le glioblastome, sont des tumeurs difficiles à traiter, en particulier à la récidive après le traitement standard qui est représenté à ce jour par une combinaison de radiothérapie et chimiothérapie par témozolomide.
Toutefois, les gliomes IDH non mutés sont un ensemble de tumeurs hétérogènes sur le plan moléculaire. Ainsi, environ 3-5% d’entre eux sont porteurs d’une altération moléculaire spécifique, la présence d’un gène de fusion FGFR3-TACC3 (F3T3). Cette fusion génique, présente également dans d’autres cancers systémiques, entraine la production d’une nouvelle protéine qui cause et maintient la croissance tumorale. La fusion F3T3 apparait donc comme une cible thérapeutique potentielle. Des études en laboratoire ont en effet démontré que des molécules inhibitrices de FGFR peuvent induire la régression des tumeurs porteuses de la fusion F3T3. Des essais cliniques ont confirmé l’efficacité des inhibiteurs de FGFR dans plusieurs types de tumeurs tels que le cancer de la vessie et le cholangiocarcinome.
Un essai thérapeutique de phase II multicentrique (TARGET) coordonné par le Pr Marc Sanson, neuro-oncologue à la Pitié-Salpêtrière à Paris et directeur du SiRIC CURAMUS, a exploré l’efficacité du traitement par fexagratinib (anciennement appelé AZD4547), un inhibiteur de FGFR, dans les gliomes diffus avec fusion FGFR-TACC récidivant après radiochimiothérapie. Les résultats ont été publiés cette année dans la revue spécialisée Neuro-Oncology Advances1.
L’objectif principal de l’étude était d’analyser le taux de patients sans progression de la maladie six mois après traitement par fexagratinib. Treize patients ont été inclus, dont douze ont été retenus pour les analyses d’efficacité (un patient présentait un gliome de type non diffus et a été exclu de l’analyse). Tous avaient échappé au traitement standard par radiochimiothérapie, avec quatre cas ayant déjà reçu plusieurs lignes de traitement. Trois patients (25%) ont atteint l’objectif de l’étude, avec notamment une survie sans progression à six mois. Tous les trois étaient à la première récidive de maladie, et ont eu une stabilisation prolongée de la maladie pendant 14 à 23 mois. Une analyse translationnelle avancée a été menée pour identifier des marqueurs de réponse au traitement ciblé : une signature d’expression génique, précédemment associée à la sensibilité au fexagratinib dans le cancer du sein, pourrait aider dans la prédiction des cas répondeurs au traitement.
Cette étude montre la faisabilité des essais thérapeutiques ciblant des sous-types rares et spécifiques de tumeurs cérébrales, grâce notamment à la collaboration de plusieurs centres à l’échelle nationale. L’inhibiteur de FGFR fexagratinib semble avoir une efficacité limitée dans les gliomes avec fusion FGFR3-TACC3 à la récidive, mais une stabilisation prolongée de la maladie semble possible, notamment chez les patients traités à la première récidive. Cela questionne l’intérêt de nouvelles études futures avec les inhibiteurs de FGFR dans une phase plus précoce de la maladie. Des possibles marqueurs moléculaires de sensibilité aux inhibiteurs de FGFR ont été identifiés par les chercheurs, mais cela nécessitera des études ultérieures pour confirmer leur rôle.
1 Picca A, Di Stefano AL, Savatovsky J, et al. TARGET: A phase I/II open-label multicenter study to assess safety and efficacy of fexagratinib in patients with relapsed/refractory FGFR fusion-positive glioma. Neurooncol Adv. 2024 May 20;6(1):vdae068. doi: 10.1093/noajnl/vdae068